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FAUT-IL REPENSER LE SYNDICALISME ÉTUDIANT AU SÉNÉGAL ?

Rédigé par leral.net le Lundi 19 Mai 2025 à 01:02 | | 0 commentaire(s)|

Le syndicalisme étudiant sénégalais, autrefois moteur de luttes légitimes pour l’amélioration des conditions de vie et d’études, semble aujourd’hui à la croisée des chemins. Devenu, aux yeux de beaucoup, un espace d’expression anarchique...

Le syndicalisme étudiant sénégalais, autrefois moteur de luttes légitimes pour l’amélioration des conditions de vie et d’études, semble aujourd’hui à la croisée des chemins. Devenu, aux yeux de beaucoup, un espace d’expression anarchique, parfois instrumentalisé, il est au cœur d’un malaise structurel qui mine l’enseignement supérieur national.

La multiplication des grèves, souvent déclenchées pour des motifs secondaires ou mal expliqués, interroge. À l’Université Alioune Diop de Bambey, la dissolution de toutes les amicales des Unités de formation et de recherche (Ufr) par le Conseil académique marque une rupture symbolique et politique. Cette décision, rare dans l’histoire universitaire sénégalaise, fait suite à une grève illimitée lancée par des représentants étudiants appelant leurs camarades à déserter les salles de classe et à regagner leurs familles respectives. Il ne s’agit pas d’un simple geste d’autorité, mais d’un signal fort. L’université ne peut plus être otage de factions revendicatives parfois coupées des préoccupations réelles de la majorité silencieuse des étudiants. Le cas de Saint-Louis, à l’Université Gaston Berger, illustre aussi le contournement d’un syndicalisme devenu routinier, procédural.

Journées sans tickets, suspension des cours, exigence de Wi-Fi et d’eau potable : si les revendications sont recevables, les formes d’action utilisées interrogent leur efficacité réelle. Le syndicat ne peut continuer à fonctionner comme une opposition systématique, sans vision ni calendrier, agissant plus en contre-pouvoir désorganisé qu’en partenaire de dialogue structuré. Pire, à Dakar, un fait divers grave vient noircir ce tableau déjà fragile. Un étudiant est arrêté au campus social de l’université Cheikh Anta Diop en possession de 41 cornets de chanvre indien, présenté comme le chef d’un réseau de trafic opérant sur le campus. 

Ce type de dérive met à nu la porosité des structures de représentation étudiante qui devaient de plus en plus axer leurs actions sur la sensibilisation et la dénonciation de certaines pratiques et logiques mafieuses. Face à ce contexte, le gouvernement, par le biais du ministère de l’Enseignement supérieur, semble vouloir engager une réforme en profondeur, dont les premières mesures ont déjà été posées. L’ouverture anticipée de la plateforme Campusen, 45 jours avant le baccalauréat, est un geste stratégique, annonçant l’arrivée massive de nouveaux étudiants dans les universités et Isep. Le message est clair : le système change d’échelle, et le désordre ne pourra plus être la norme. Le ministre Abdourahmane Diouf a été catégorique : tous les bacheliers seront orientés, quel que soit leur nombre.

Cette massification assumée exige une gouvernance universitaire capable de planifier, mais aussi de résister à la pression de syndicats autoproclamés, souvent plus préoccupés par leur visibilité que par l’intérêt général. Le syndicalisme étudiant, dans sa forme actuelle, n’est pas durable. Il devient alors urgent de repenser ce syndicalisme. Cela ne signifie pas l’abolir, mais le refonder sur des bases claires : représentativité authentique, formation civique des délégués, transparence dans les mandats, responsabilité face aux actes posés. L’État doit encadrer ce processus, non pour museler, mais pour professionnaliser une fonction devenue trop souvent un tremplin personnel ou un terrain de clientélisme.

Encourager un syndicalisme de proposition, plutôt que de contestation stérile, est aujourd’hui une priorité. Les étudiants doivent être vus non comme de simples revendicateurs, mais comme des acteurs à part entière du pilotage universitaire. À ce titre, ils doivent assumer leur rôle dans un cadre de dialogue renforcé, de médiation pérenne, et de coresponsabilité. La transformation des universités sénégalaises passe autant par les infrastructures que par les mentalités. Le syndicalisme étudiant, s’il veut survivre à cette nouvelle ère, devra se réinventer. L’État a ouvert la voie. Il appartient désormais aux étudiants, aux enseignants et aux administrateurs de reconstruire ensemble un pacte universitaire équitable, exigeant et porteur d’avenir. 

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Source : https://www.seneplus.com/opinions/faut-il-repenser...